« Personne n’est maître du calendrier », dit Le Graët à l’AFP
« Personne n’est maître du calendrier ». Face au coronavirus, le président de la Fédération française de football Noël Le Graët juge « pas raisonnable » de pronostiquer une date de reprise des compétitions. Mais « terminer le 30 juin paraît impossible », concède-t-il vendredi dans un entretien à l’AFP.
Depuis Guingamp où il gère ses entreprises et remplit à distance sa mission de patron du foot français, il évoque les dernières discussions avec les clubs de Ligue 1, les prochains matches des Bleus et le calendrier du foot mondial.
Q: Un comité exécutif de la Fédération s’est tenu jeudi. Quel était son ordre du jour?
R: « Il s’agissait déjà de faire un point sur l’ensemble des décisions qui peuvent être prises rapidement. J’ai répété que personne n’était maître du calendrier. On ne peut pas reprendre la compétition avant que l’État ne donne son feu vert. Ensuite, il fallait expliquer les mesures gouvernementales. Et puis prendre le pouls du football amateur. C’était une réunion d’une heure très constructive. »
Q: Sur la reprise de la Ligue 1, beaucoup d’avis se sont exprimés, notamment parmi les dirigeants de club notamment. Regrettez-vous cette cacophonie?
R: « Le football a toujours besoin de s’exprimer, les journaux aussi sont demandeurs. S’ils s’expriment, c’est qu’on leur demande (rire). Mais pour le moment, c’est tout à fait clair: j’ai pris la décision d’arrêter les compétitions (annonce faite le 12 mars, ndlr) immédiatement après la déclaration du président de la République. Pour la reprise, ce n’est pas à nous de décider. Nous avons de bons rapports avec le ministère des Sports, on ne reprendra que quand l’autorisation sera donnée. »
Q: Dans ce contexte, votre mission est-elle de rassembler toutes les familles du football, malgré leurs divergences?
R: « Ce matin au Bureau de la LFP, il y avait la plupart des (clubs) professionnels qui n’ont pas toujours la même opinion. Mais finalement on arrive à trouver un chemin commun. Ils ont envie de jouer le plus vite possible mais ils sont très compréhensifs, ils savent bien qu’on ne peut pas démarrer un championnat sans autorisation. Ensuite, il y a la question des huis clos pour eux. Démarrer une compétition sans spectateur, ce n’est pas le but du jeu. Aujourd’hui, il faut être extrêmement prudent. J’ai demandé à tout le monde une réflexion de 15 jours encore, de bien regarder ce qu’il se passe, d’attendre les réunions avec les ministères. On ne peut pas prendre une décision aujourd’hui du type : +On va démarrer à telle date, on va terminer fin juillet+. Il y a des souhaits bien évidemment, mais rien de concret, aujourd’hui ce ne serait pas raisonnable. »
Q: Il est donc trop tôt pour cibler une date de reprise et de fin du Championnat?
R: « Il y a des hypothèses de reprise: 15 mai pour certains, 1er ou 15 juin pour d’autres. Pour d’autres encore, on n’ira pas au bout. Il faut faire attention à ce que l’on dit et écouter l’État. L’objectif c’est de reprendre le plus vite, mais sans risque de santé pour nos spectateurs et nos joueurs. »
Q: Il y a des joueurs en fin de contrat au 30 juin. Comment résoudre cette équation?
R: « La Fifa, l’UEFA et nous-mêmes sommes en phase pour reculer s’il le faut. Je crois que Philippe Piat, le représentant des joueurs, n’y est pas opposé. La solidarité dans le foot existe, même s’il y aura peut-être deux ou trois exceptions. En tout cas, on se rend compte qu’aujourd’hui, terminer le 30 juin paraît impossible. »
Q: Que retenir à long terme de cette crise? N’y a-t-il pas une réflexion à avoir sur la saturation du calendrier sportif?
R: « Vous n’avez pas tort. La Fifa, l’UEFA et les Fédérations devront réfléchir au nombre de matches et de compétitions, parce qu’à force d’en créer on est en difficulté sur les calendriers. Les joueurs ne doivent pas jouer plus de matches qu’aujourd’hui. La Fifa voulait déjà lancer il y a un mois une réflexion sur le calendrier, elle est nécessaire. »
Q: C’est peut-être l’occasion de rendre le fonctionnement du football plus vertueux, notamment envers les joueurs?
R: « Vertueux, je pense qu’il l’est. Mais il est vrai que le nombre de compétitions devient difficile. On a du mal à protéger nos championnats qui pour nous, Français, nous intéressent en priorité. Il faut faire attention à ce que les grands clubs ne créent pas des compétitions certes lucratives pour eux, mais qui dévalorisent les championnats. J’aimerais bien aussi qu’on tienne compte un peu plus des équipes nationales, car les Fédérations en Europe et dans le monde vivent économiquement de leurs matches. On en a dix par an, ils doivent être protégés. »
Q: Justement, le football de sélection fait les frais de la crise, avec le report de l’Euro messieurs, de la Copa America et de l’Euro dames. Est-il en danger?
R: « Il ne devrait pas l’être. Le calendrier cette année a été compliqué parce que deux matches internationaux étaient prévus en mars, puis deux autres en juin. Malheureusement c’est tombé sur la période la plus délicate du virus. Mais ce n’est pas une volonté de l’UEFA et de la Fifa d’éliminer ces matches. Je pense que l’équipe de France en jouera au moins deux si les calendriers le permettent. »
Q: Est-il toujours d’actualité d’affronter l’Ukraine et la Finlande, comme initialement prévu fin mars?
R: « Cela tient toujours, nous avons des accords. Il y a une autre grille internationale au mois de juin, elle peut être légèrement décalée. Si on ne reprend le championnat que fin mai, je vois mal l’équipe de France jouer début juin. On a besoin de rediscuter avec l’UEFA et la Fifa pour qu’il y ait au moins deux dates préservées. »
Q: Aviez-vous déjà pris d’autres engagements pour les matches programmés début juin en préparation de l’Euro?
R: « Oui, on avait des contacts avec d’autres Fédérations, notamment avec la Croatie, mais aussi avec d’autres pays pas encore qualifiés pour l’Euro (les barrages devaient se jouer fin mars, ndlr). »
Propos recueillis par Jérémy TALBOT.